Grotte de la Grâce Dieu
Depuis bien longtemps, les hommes ont su tirer profit du froid l'utilisant à divers usages. En effet, 400 ans avant J.-C., Hippocrate en recommandait déjà l'emploi. A l'époque romaine, glace et neige étaient utilisées dans le "frigidarium" pour y prendre des bains froids. Il est vrai que des traces de telles pratiques ont été découvertes dans la glacière de Chaux les Passavant. Gallien, médecin grec de la fin du IIe siècle, écrit : "On peut traiter avec succès les maux de tête avec de l'eau de neige à Rome, car il y a une grande abondance de sources froides et de neige".
Si plus tard, on l'utilise à des fins médicales, un des plus anciens usages de la glace et de la neige reste le refroidissement des boissons, mais aussi la conservation des viandes et autres provisions. Cette pratique se démocratise dans le Jura à la fin du XVIIe siècle, où les habitants commencent à exploiter les glacières naturelles.
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Ces paroles sont de Bénigne Poissenot qui en 1584 de passage à Besançon est surprit par tant de luxe. Le glaçon provenait de la glacière de la Grâce Dieu (Chaux les Passavant) où l'on en faisait déjà commerce.
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Avant 1725, l'exploitation était sauvage. Le sieur Coste, propriétaire des terres, souhaita en monnayer l'exploitation.
Mais, Monsieur Neuville, intendant de Franche Comté, par une ordonnance, décida que les habitants de la province continueraient à jouir de la glacière et à user de la glace comme par le passé. Ce droit d'exploitation ainsi reconnu ne tarda pas être exercé sans mesure, et la glacière fut promptement dévastée. 8 ans plus tard, le successeur de Monsieur Neuville, dans un souci de protection de la glacière fit établir une muraille autour de l'entrée de la dite caverne. Quelques années plus tard, après la réapparition de la glace, l'exploitation pu reprendre. Confiée aux moines de l'abbaye de la Grâce Dieu, elle s'organisait comme dans une carrière: la glace était débitée en blocs à l'aide d'outils, extraite de la cavité à dos d'homme puis au moyen de treuil et wagonnets. Exploitée à outrance, et suite à des hivers plus doux, la glace diminue. Les religieux se voient dans l'obligation de tenter un réamorçage en y important la glace des rivières et des étangs voisins.
Soucieux d'un meilleur rendement, les exploitants déposent dans le fond de la cavité, des amoncellements de fagots. Ceci allonge le trajet de l'eau tombant de la voûte et ainsi permet une meilleure formation de glace. Expédiée sur des chars vers la capitale, l'Allemagne ou l'Italie. Les bonnes années, c'est 190 tonnes qui sont enlevées à la glacière. Si l'exploitation peut se faire le jour, il est évident que le transport de nuit est recommandé. Les pertes sont importantes, elles dépendent de la distance de livraison, et des conditions climatiques (la pluie est un ennemi de taille). Dans le meilleur des cas, c'est 50% de la marchandise qui fond avant d'arriver à destination.
Jura français
Mais la glacière de la Grâce Dieu n'est pas la seule exploitation du Jura français. Ses consoeurs servent à l'approvisionnement du voisinage, l'utilisation de la glace est alors employée à des fins personnelles et occasionnelles. C'est le cas de la Glacière et Neigère de Gilley. En été, la glace est prélevée pour soigner les malades.
Dans la forêt de la Joux, à l'endroit dit "les sapins de la glacière", la neige est poussée dans une lésine, de façon à pouvoir "avoir du froid" le plus longtemps possible au cours de l'été.
A Bois d'Amont, la fromagerie Vandelle, utilise la neige du "Creux à la Neige" pour conserver la crème. Les voyages se font à dos d'homme plusieurs fois par semaine. (Ceci était encore courant au début du XXe siècle.)
Jura Suisse
Au Creux de glace du Chasseral, on notera par exemple, qu'en période de sécheresse, la glace servait à abreuver les bêtes. Ces prélèvements occasionnels pour usages domestiques ou médicinaux, font place dans le courant du XIXe siècle, à de véritables exploitations commerciales. Ce sont les glacières de Saint Georges, Saint Livres, et Monlési qui composent alors la majorité de la production. Les aménagements visant à faciliter l'exploitation se font au cours du XIXe siècle comme en atteste la lettre ci-dessous adressée à Browne en 1865 par Monsieur Mignot, (locataire de la glacière de Saint Livres).
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A Saint Livres, l'équipe habituelle était composée de deux hommes chargés de couper la glace, et de onze qui en assuraient le transport.
PICTET (1822) signale d'intéressantes remarques au sujet de la glacière de Saint Georges. Je me permettrai donc de reprendre ses quelques mots.
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De 1822 à 1857, c'est 2500 m3 qui sont enlevés à la glacière, soit environ 70 tonnes par an. Ce qui est minime si l'on en juge par le volume qu'elle pourrait fournir. Cependant BROWNE avance le même chiffre de 70 tonnes, mais correspondant à deux semaines d'exploitation à l'automne 1863.
-20m
Surexploitation de Saint Georges de 1822 à 1857. (environ -10m)
Réamorçage complètement inutile : La glace ne génère pas la glace, elle contribue seulement à conserver une température anormalement basse (+ 1° C) pendant la saison chaude.