1584
Poissenot
- - -
+ VRAI
1782
Razoumofski
- -
1686
Boisot
- - -
- FAUX
1783
Girod-Chantrans
+ +
1711
Billerez
- -
1800
Gassicourt
- - -
1725
Des boz
+
1822
De Saussure
-
1745
De Cossigny
-
1822
Pictet
- - -
1769
Prévost
+
1822
Deluc
+ +
1778
Oudot
+
1865
Thury
+ + +
1885
+ + + +

L'histoire de la découverte scientifique des glacières est faite d'erreurs et de rebondissements. Les croyances populaires qui demeurent encore aujourd'hui, sont sans doute dues à l'interprétation abusive des constats mentionnés ci-dessous.

Le volume de glace à l'intérieur d'une glacière est maximum au mois de juin, minimum en novembre, et au début de l'hiver. De plus la sensation de rafraîchissement lors de l'entrée dans la grotte est présente en période fermée (été). Pendant la période ouverte (hiver) c'est plutôt un léger réchauffement qui est constaté lorsque l'on pénètre dans la cavité. Il n'en fallait pas plus aux scientifiques pour en déduire que la glace provenait du chaud de l'été...

 

 

 

 

 

1584 Bénigne Poissenot

Chaux les Passavant le 2 juillet 1584

...la cause de ceste antiperistase, je n'en trouvay autre que ceste-cy : scavoir est que la chaleur dominant en Esté, le froid se retire aux lieux bas et soubterrains, comme est cestuy-cy duquel les rays du Soleil ne peuvent approcher, et qu'en tel lieu aquatique et humide il opere les effects qu'avons monstré cy devant. Laquelle me sembla de tant plus vrai semblable, qu'interrogeant les paisans des villages prochains si en hyver y avoit de la glace en ladicte Froidiere, ils me respondirent qu'il n'y en avoit point, et qu'au contraire, il y faisoit treschaud.

Pour Poissenot, le froid trouve refuge dans la grotte pendant l'été. L'hiver, il n'y a point de glace, et, il y fait très chaud.

Pourtant il décrit des lieux aquatique et humide, relevant plus du dégel que du gel.

 

 

 

 

 

1686 Abbé Boisot

Chaux les Passavant

On y remarquait qu'on accourait de toutes parts à cette glacière avec des chariots et des mulets qui transportaient des provisions de glace pour toute la province et jusqu'au camp de la Sanne; que la, glacière cependant ne s'épuisait point, qu'un jour de grandes chaleurs y en reproduisait plus qu'on n'en enlevait en huit jours ... Cette prodigieuse quantité de glace se forme d'un petit ruisseau qui coule dans une partie de la grotte. En été, il est glacé; il coule en hiver; on trouve dans son fond des pierres qui ressemblent parfaitement à des écorces de citrons confits. .

Il n'existe pas de source dans la glacière. L'eau observée provient de la fonte de la glace, elle est gelée en hiver, coule en été, et non le contraire. De plus la chaleur n'a jamais produit de la glace.

Si les observations de l'Abbé Poisot sont fausses, elles ont l'avantage d'attirer l'attention des scientifiques de l'époque. C'est alors un véritable combat "d'experts" qui se livrera jusqu'au début du 20ème siècle.

 

 

 

 

 

 

1711 Billerez, professeur d'anatomie et de botanique à l'université de Besançon

Chaux les Passavant

La glace de cette grotte est plus dure que celle des rivières, est mêlée de moins de bulles d'air et se fond plus difficilement, il y en a d'autant plus qu'il fait chaud en été ... on dit qu'à la Chine, des rivières gèlent en été par la même saison.

Comment élaborer une théorie scientifique reposant sur des observations fausses ?

Billerez y parvient, et pense que les parois de la grotte sont recouvertes d'un sel d'ammoniac naturel, ou alors de sels nitreux. Ces sels mis en en mouvement par la chaleur de l'été, et se mêlent ainsi plus facilement à l'eau, et parviennent jusqu'au fond de la grotte. Il se produit alors une réaction chimique qui congèle l'eau (expérience de création de glace artificielle, très en vogue dans les laboratoires de l'époque), d'autant plus qu'elle est chargée en sels...

Il attribut également aux sels le "brouillard" se formant souvent dans la grotte.

 

 

 

 

 

 

1725 Des Boz, Ingénieur

Chaux les Passavant

Extrait du compte-rendu fait à l'académie des sciences en 1726

Avant que d'achever le détail de mes observations, je me trouve obligé de rapporter ici quel a été jusqu'à présent l'idée du peuple, qui sans aucune connaissance particulière de cette caverne, a voulu néanmoins sur un simple préjugé, ou pour faire valoir davantage la merveille, qu'il ne fit froid qu'en été dans la grotte et chaud en hiver; et qu'ainsi dès le commencement de l'hiver la glace y fondait pour se former de nouveau au retour de l'été Les uns prétendaient prouver cet effet imaginaire, en disant qu'il en était de même de cette grotte que des caves qui sont chaudes en hiver et froides en été ... Mais ce froid qui leur semble régner en été dans ces caves, et ce chaud en hiver ne sont l'un et l'autre que du tempéré, qui sans changer paraît froid ou chaud par rapport à l'air extérieur, mais ne pourrait de lui-même former aucune congélation.

...

Je crois qu'en considérant ces expériences et les observations précédentes, il sera aisé de faire voir que ce n'est que par cet effet très naturel que le froid règne continuellement dans cette grotte, et avec plus de force en hiver que dans les autres saisons.

...

La conclusion de toutes ces observations, c'est qu'il n'y a aucune source dans la grotte. La glace ne vient que des pluies et des neiges fondues, qui se filtrant peu à peu au travers du terrain et des fentes du rocher jusque dans la grotte s'y congèlent tant à la voûte qu'aux parois et cela sûrement en toute saison de quelque année que ce soit .

Pour Des Boz le froid provient de l'hiver, et la glace des eaux de pluie et de la neige, il n'y a pas plus de sel contenu dans la glace que de source au fond de la cavité.

Si ses observations sont justes, il n'arrive tout de même pas à expliquer le phénomène. Pour lui, c'est tout simplement la cavité qui ne peut être réchauffée (Arbres coupants les rayons du soleil, épaisseur de la paroi, etc.)

Son principal argument est la situation de la glacière. Il la positionne au sommet d'une montagne (elle est en fait au bord d'un plateau) et pense cela suffisant à entretenir le froid.

Sa "victoire" sera de courte durée...

 

 

 

 

 

 

1745 De Cossigny, Ingénieur en chef à Besançon

Chaux les Passavant

l'état de la caverne ne change pas de l'hiver à l'été quelque froid ou chaud qu'il fasse extérieurement. Comme le degré de congélation, peu plus, peu moins , règne continuellement dans cette caverne, il n'est pas surprenant que la glace s'y accumule et qu'il survienne aussi par intervalle de petits dégels, d'où se répand un peu d'eau de pluie sur le sol de la caverne qui d'ordinaire est une nappe de glace.

Les observations de De Cossigny sont les mêmes que celles de Des Boz, de plus, il remarque que la cavité ne doit pas être étanche, et ce, afin d'évacuer les eaux en période de dégel. Pour mesurer la température interne, il utilise le thermomètre de son ami Réaumur. C'est la première source "fiable" qui peut être prise en compte. Il a cependant du effectuer ses mesures en période fermée, et pense que les températures sont toujours voisines de zéro.

Il penche pourtant pour la thèse de Billerez, le froid "artificiel" et non "naturel".

 

 

 

 

 

 

1769 Prévost de Genève

Chaux les Passavant

Le froid pénètre aisément dans une grotte ouverte, où il se forme plus de glace en hiver qu'il ne peut en fondre en été.

Il est le premier à soutenir la thèse suivante :

Le gèle se produit en hiver, le dégel en été.

Enfin, c'est simple !

 

 

 

 

 

 

1778 Oudot, médecin à Besançon

Chaux les Passavant

En juillet suivant, la grande colonne se trouvait diminuée de six pouces.

...

La grande colonne se trouva réduite en octobre à trois pieds.

Il est le premier à effectuer de relevés de volumes de glace, il aboutit aux mêmes conclusions que Prévost.

 

 

 

 

 

 

1782 Comte Grégoire de Razoumofski, physicien Russe.

Chaux les Passavant

La conservation de la glace est due à la grande, profondeur de la caverne.

...

La glace ne provient pas de l'eau filtrant à travers la voûte, mais de l'irruption des eaux de l'Audeux, il y a plusieurs siècles, qui s'y sont congelées. Toute la glace présente dans la caverne date de cette époque.

Nous n'ajouterons rien !!!!

 

 

 

 

 

 

1783 Girod-Chantrans

Chaux les Passavant

Les observations précédentes ne doivent laisser aucune incertitude sur le phénomène de la glacière naturelle de Chaux, où bien certainement la glace se forme pendant l'hiver et ne fond pas entièrement pendant l'été.

S'aidant des travaux de Oudot et de Prévost, il en tire les mêmes conclusions.

En 1800 à sa deuxième visite, il ne trouva plus de glace dans la caverne, la forêt qui la recouvre avait été coupée en 1792 et pendant plusieurs années, à partir de cette époque, la grotte de Chaux fut privée de son principal ornement. Il fallut même que l'administration intervînt pour la rétablir dans son état primitif et le reboisement n'eut lieu qu'en 1800 à la suite d'un arrêté de M. Kilg, sous-préfet de Baume-les-Dames.

 

 

 

 

 

 

 

1800 Cadet de Gassicourt

Chaux les Passavant

La grotte est couverte de grands arbres, les feuilles de ces arbres sont des organes de transpiration, l'eau en se vaporisant ne peut passer de l'état liquide à l'état gazeux sans absorber beaucoup de calorique, et le sol est sans cesse refroidi par l'évaporation que produisent les arbres. Pendant l'hiver, la chaleur du soleil ne pompe plus l'humidité, il n'y a plus évaporation, la température de la grotte est celle des souterrains, c'est alors qu'il se forme un brouillard à son entrée. Je crois que la formation de la glace dans cette grotte curieuse peut s'expliquer par la théorie des alcarazas qui servent à refroidir l'eau qu'elles renferment en laissant transpirer une partie du liquide à travers leurs parois .

Influencé, certainement, par le déboisement de 1792, Cadet de Gassicourt écrit ces lignes, et croit encore à la formation de glace en été.

 

 

 

 

 

 

1822 De_Saussure, Physicien

La théorie des caves froides.

La théorie de caves froides, se fonde sur le mécanisme des tubes à vent. Bien que De_Saussure ne l'applique pas aux glacières, il inspirera fortement Pictet.

 

 

 

 

 

 

1822 Pictet Physicien Suisse

"Les glacières sont des tubes à vent"

Saint Georges, Brezon, Vergy.

Dans la saison chaude, la colonne d'air qui traverse l'intérieur de la montagne et participe à la température moyenne de celle-ci est plus lourde que la colonne extérieure correspondante; L'équilibre ne peut exister; un jeu de siphon se produit; l'air descend continuellement dans l'intérieur de la montagne et s'échappe en courant frais par l'orifice de la grotte; en hiver c'est le contraire qui a lieu parce que l'air extérieur est plus lourd.

Ainsi la température moyenne de 1a grotte* est inférieure à celle de l'atmosphère puisqu'elle alterne entre la température moyenne du lieu et celle de la saison froide. La température moyenne de l'extrémité supérieure du conduit vertical surpasserait au contraire celle de la région atmosphérique correspondante. Entre ces deux extrêmes les parties centrales du conduit vertical conservent une température moyenne égale à celle du lieu, ce qui assure la permanence du phénomène.

En d'autres termes si, pendant l'été l'air extérieur descendant réchauffe les conduits interstitiels de la montagne, le courant opposé qui a lieu pendant la saison froide enlève à ces mêmes conduits l'excès de chaleur qu'ils avaient reçu.

Lorsque au commencement de la saison chaude le courant descendant commence à se produire, sa température est inférieure à la température moyenne du lieu parce qu'il traverse des interstices très refroidis**.

* Pictet parle de la partie horizontale (inférieure) de la cavité.

** I1 me semble que c'est pour n'avoir point eu égard à cette dernière circonstance que De Saussure, puis, à son exemple Pictet, qui avaient observé l'un et l'autre que la température des caves est parfois très inférieure dans la saison chaude à la température moyenne du lieu, se crurent obligés pour expliquer ce fait d'avoir recours au froid produit par l'évaporation. Ils supposèrent que les conduits interstitiels de la montagne constamment maintenus dans un état d'humidité par l'eau découlant du sol, le courant d'air qui traverse ces conduits se refroidit par deux causes dont les effets s'ajoutent : la température propre du sol, et la saturation graduelle de l'air qui le traverse. Pictet alla même plus loin que de Saussure : il crut que ce refroidissement de l'air par saturation de vapeur d'eau pouvait suffire dans les circonstances qui se réalisent, pour abaisser la température au-dessous du point de la congélation et c'est ainsi qu'il explique la formation de la glace dans les cavernes durant la saison chaude. La théorie de Pictet ne fut pas acceptée sans conteste par tous les physiciens ; L'année même où elle parut, Deluc la critiqua vivement, lui reprochant d'aller à l'encontre des faits observés et de manquer ainsi de tout fondement. Ce n'était pas tout que de réfuter Pictet, il fallait à des idées fausses en substituer de plus justes, Deluc n'eut garde d'y manquer.

La théorie des tubes à vent implique qu'il y ait un constant courant d'air dans les glacières. Or quand Pictet visite les cavités il n'en observe aucun ( statistiquement, il y a beaucoup plus de chance de visiter une glacière pendant la période fermée ), il ne porte pas attention à ce "détail", et propose tout de même sa théorie.

 

 

 

 

 

 

 

1822 Deluc, physicien

Lorsque l'hiver survient, l'air froid étant plus pesant que l'air chaud descend dans la caverne; plus l'hiver est rigoureux, plus l'air tend avec force à descendre dans la cavité et à y rester. Les eaux qui s'y rassemblent se gèlent alors.

...

Quand le printemps et l'été succèdent à l'hiver, l'air chaud extérieur ne peut aller déloger l'air glacé du fond, à cause de la plus grande pesanteur spécifique de celui-ci. La chaleur ne peut donc se propager que très lentement.

...

La glace ne fond que très lentement, car on sait que la glace, en se fondant, absorbe 6° de chaleur. La glace formée retient pour ainsi dire prisonnier, le froid de l'hiver.

Deluc est le premier à proposer le concept de "piège à froid". Sa théorie est complète et juste, mais il ne sera pas écouté. On lui reprochera le manque de clarté de ses propos, mais surtout d'avoir philosophé dans son cabinet, alors que ses adversaires visitaient successivement les glacière de Saint Georges, du Brezon et celle du Vergy.

La renommée des physiciens Pictet et De Saussure fera pencher la balance du coté de la théorie des caves froides.

 

 

 

 

 

 

 

1865 Thury

Saint Georges

La température moyenne du sol dans la région où la grotte est creusée, est de plusieurs degrés supérieure au point de congélation. Il faut donc qu'un échange, ait lieu entre le dedans et le dehors, échange dans lequel, pour un temps, la chaleur enlevée surpasse celle introduite; c'est là tout ce qu'on peut dire de général et la condition à laquelle toute explication doit satisfaire.

Un jour, en parcourant les anciens volumes de la Bibliothèque universelle de Genève, le mémoire de M. A. Pictet sur les glacières tomba sous les yeux de l'auteur de cet article. Il lut ce travail si exact, si net, avec tout l'intérêt que peut inspirer un sujet curieux, lucidement traité. Le lecteur de M. A. Pictet n'avait jamais vu de glacière, et ce pendant il en existait une à deux pas. Quelques jours après, il partait pour Saint-Georges, emportant quelques thermomètres, regrettant fort de n'avoir pas d'anémomètre pour mesurer le courant d'air. Cependant, dans la grotte de Saint-Georges, il n'en trouva point . La théorie de Pictet, en faveur de laquelle il était prévenu, n'était donc pas applicable ici. Il fallait trouver une autre explication des phénomènes. Cette explication fut celle des "pièges à froid", elle était bien simple, mais il était difficile au vue de l'examen des lieux d'en proposer une autre. Le récit de l'excursion fut alors communiqué ainsi à la Société de physique.

L'explication fut jugée bonne, mais on apprit à l'auteur qu'une théorie à peu près semblable à la sienne avait été formulée par Deluc.

 

 

 

 

 

 

 

1885 Trouillet

Il ne suffit donc pas, comme on a paru le croire jusqu'à présent,que le thermomètre s'abaisse dans la forêt au dessous de la température de la glacière pour que la colonne d'air se mette en mouvement ; il faut encore que cet abaissement atteigne une certaine valeur, laquelle dépend de la pression barométrique et de l'état hygrométrique de l'air extérieur. Cette valeur est comprise entre 0,4 et 1,3°C : La première correspond à une pression élevée dans un air sec, la seconde à une dépression barométrique au sein d'une atmosphère saturée.

Le capitaine Trouillet vise juste, et élabore une théorie scientifique relativement poussée :

Tous les passages clés figurent dans la page mécanismes.

 

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Utilisez un thermomètre à dilatation projetable (à l'aide d'un rétroprojecteur). Entourez le réservoir du thermomètre d'un manchon poreux (coton hydrophile, par exemple) imbibé d'eau .... Le refroidissement est accéléré lorsqu'on dirige sur le manchon un flux d'air (sèche-cheveux par exemple). Même avec un flux d'air chaud on peut constater un refroidissement !

L'explication est simple : Le changement d'état (évaporation) génère du froid, il est donc normal que le thermomètre se refroidisse. Cependant l'ensemble du système s'est réchauffé, et si dans les cas extrêmes l'on peut observer la formation de glace (tubes à vent), celle-ci sera éphémère, et le bilan de cette expérience se clôt sur un réchauffement global.

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